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Comment augmenter avec justesse ses collaborateurs ?

Juste ou pas juste ?

Chaque salarié a droit à son entretien annuel d'évaluation.
Si vos entretiens en tête à tête avec votre manager sont limités à un par an, vous êtes assez mal barré et la qualité de votre évaluation risque d’être... hasardeuse !
L’entretien est un rituel de séduction où l’actualité récente du salarié, positive ou négative, pèse sur le résultat. Ce que j’ai remarqué, c’est que certains s'en tirent mieux que d’autres, et que ça n’a pas forcément un rapport avec leur performance.
C’est plus une question de présentation, je dirais même une négociation commerciale. Et, réfléchissez bien, vous devriez savoir si vous êtes un bon négociateur en repensant à vos achats immobiliers, de voiture, ou même s’il vous est arrivé de négocier des souvenirs dans un souk ! Si vous n’avez jamais su bien négocier, vous partez de plus loin pour l’exercice.
Ensuite, parlons un peu de votre relation avec votre manager, je vous laisse faire un voyage mental pour savoir s’il apprécie votre travail, ou pas...
Parlons également de votre manager lui-même, est-il pingre ou est-il généreux ? Son état d’esprit va influencer votre augmentation de façon spectaculaire. De plus, connaissez-vous le budget augmentation qu’il a négocié pour son équipe ?
J’ai ressenti l’injustice liée à ces paramètres et cela m’a poussé à tenter quelque chose de différent, un système qui, par exemple, pénaliserait moins les introvertis. Heu, pas besoin de lancer la musique épique et d’imaginer que le monde du management va subir une révolution, l’ambition était juste de faire mieux que diviser le gâteau en parts égales. Car, sauf si vous êtes d’une naïveté touchante, vous savez que les apports sont différents d’un collaborateur à l’autre.

Augmenter tous les salaires 2 fois par an ? Et sans manager ?

Il y a presque deux ans, nous avons défini un processus, que nous mettons en place deux fois par an, avec les deux objectifs suivants :

  • Faire mieux que diviser le budget augmentation par le nombre de personnes, autrement dit, mieux récompenser les personnes les plus performantes.
  • Répartir plus justement que les augmentations auparavant liées aux entretiens annuels d'évaluation.
C’est ce que nous appelons au KaraFun Group les “peer review”. Ils n’ont pas pour objectif de faire un quelconque feedback sur le travail, juste une évaluation pour produire une augmentation de salaire. C’est un processus anonyme, responsabilisant et que j’ai voulu le plus simple possible.
Effectuer ce processus deux fois par an est courageux, car je pense que la rémunération est souvent un sujet de démotivation. Néanmoins, en établissant une période semestrielle, cela améliore la statistique, dédramatise et cela permet surtout de voir évoluer son salaire plus souvent.

Anonyme ?!?

Oui, vous avez bien lu, c’est un processus anonyme, un peu comme un vote démocratique. L’ensemble des collaborateurs, y compris moi-même, doit évaluer entre 3 et 5 personnes, en fonction du degré d’interactions qu’il a avec les autres (calculé par notre backoffice).
Et chaque collaborateur sera évalué par 4 personnes.
La sélection du “jury” est un mélange de proximité et de hasard : il est probable qu’un collègue proche soit votre évaluateur, mais ça n’est jamais garanti.
Pour chaque collaborateur, il faut évaluer un petit nombre de critères. Le fonctionnement est décrit en détail en bas de cet article.

Le grand méchant loup

Et concrètement ? Et bien concrètement, cela a fonctionné plutôt bien les deux premières fois. Bien sûr, je ne suis pas en accord avec toutes les évaluations, je trouve que certaines personnes sont surévaluées et que d’autres sont sous-évaluées. A mon avis, il est d’ailleurs logique et sain que je ne sois pas totalement d’accord. Mais globalement, c’est quand même impressionnant de qualité. Au regard des objectifs énoncés, je pense qu’on peut dire qu’on n’était pas mal du tout.
La troisième tentative, par contre, montre quelques dysfonctionnements qualitatifs #sad #desenchantement #oeuvreaunoir #tristitude #karafungroupneseraitdoncpasparfait
Mmm, je ne suis pas naïf, j’imaginais bien qu’il soit possible que cela arrive. Mais quand ça arrive, ça fait réfléchir…
Je pense qu’il faut se tromper pour progresser, j’ai fait quelques erreurs de communication et le système n’est pas encore très robuste. En gros, je me suis planté.

De quels dysfonctionnement parle-t-on ?
Je vais prendre deux exemples concrets.

Le premier est tiré d’une de mes évaluations, il s’agit de l’évaluation de mon salaire de CEO de KaraFun Group. L’évaluation donne un salaire de 38000€ annuel brut, avantages compris. C’est peut être présomptueux de ma part, mais c’est vraiment très loin de ce que je demanderais si je devais travailler en tant que directeur de groupe dans une autre société. En tout cas, c’est très éloigné de ma valeur sur le marché.
Le second concerne l’évaluation de la note de disparition (voir tout en bas de l’article pour comprendre ce critère) d’une étoile sur 5 pour un développeur qui connaît parfaitement l’architecture, qui fait un travail d’une efficacité exemplaire et qui est, de fait, littéralement irremplaçable. J’imagine que beaucoup d’entre vous connaissent la difficulté de recruter de bons profils techniques.
Dans les deux cas, c’est soit stupide, soit un acte de sabotage volontaire. Et normalement, on n’aime pas trop bosser avec des gens stupides et encore moins avec des saboteurs. Enfin, moi pas !

Remettre en cause et améliorer

Il y a presque deux ans que nous avons mis en place ce processus.
Il n’est pas parfait, mais ça n’est pas l’objectif. Et d’ailleurs, il ne le sera jamais.

Pourquoi ces dysfonctionnements ?
La première hypothèse explique ces bugs par le non respect de l’anonymat et les discussions informelles autour des évaluations. En réunion mensuelle, j’avais poussé les gens à communiquer et à partager au maximum, et donc d’une certaine manière à rompre l'anonymat. Je ne pense plus que cela soit globalement positif. En surévaluant on fait un cadeau, mais finalement au détriment des autres membres de l’équipe. En sous-évaluant on commet un acte de malveillance. C’est peut-être mal compris par certaines personnes, sans que celles-ci le fassent volontairement.
La seconde hypothèse est qu’il y a quelques personnes moins bienveillantes, ou éventuellement que ce système déçoit ou encore rend malheureuses. Forcément une minorité, sinon le système serait totalement déréglé et nous devrions l’abandonner.

Toujours est-il que nous avons dû chercher un moyen pour qualifier les résultats et en faire un indicateur. Lors de cette troisième expérience, avec mon frère (actionnaire principal et co-fondateur) et deux autres collaborateurs, nous avons tenté de qualifier la qualité du résultat. En détectant ensemble les bugs avérés, nous en avons sorti une qualité globale de 78.5%. Intuitivement, c’est beaucoup moins bon que les deux premiers tests, même si nous ne pouvons en être totalement sûrs car les résultats bruts des précédentes évaluations n’ont pas été conservés.

L’outil ne remplace pas une augmentation exceptionnelle dûe à un changement de responsabilité par exemple. De plus, une des fonctions RH consiste à repérer les incohérences de salaire dans l’équipe, et donc à réévaluer exceptionnellement, quand c’est nécessaire. Il est important de noter que grâce au peer review, les managers n’ont pas la possibilité de nuire aux augmentations.

Hésitations, doutes et certitudes

Anonymat

Depuis le début, nous veillons à rendre ce processus totalement anonyme. Nous avons opté pour un système à l’ancienne à base de papier, exit le vote numérique. Il est important de garantir ça. Je conseille d‘ailleurs, après quelques hésitations et de par notre expérience, d’inciter à ne pas révéler les personnes qu’on doit évaluer. L’idéal est de faire l’évaluation chez soi consciencieusement le matin ou le soir, au calme.

Responsabilité

Tous les collaborateurs ne sont pas des spécialistes RH, c’est entendu. Et d’ailleurs, beaucoup de collaborateurs ne veulent pas devenir manager.
KaraFun Group n’est pas une société comme les autres. Cette responsabilité spécifique d’évaluation est déléguée à l’ensemble des collaborateurs. Je sais bien que ça n’est pas le moment le plus fun de notre vie d’entreprise, mais cela permet de diluer mécaniquement le pouvoir et de responsabiliser chacun.
Merci à chaque personne de l’équipe de prendre sérieusement en compte cette grande responsabilité, avec honnêteté, recul et sincérité.

Confiance

Ce processus repose sur la confiance, car il est anonyme. On peut casser assez facilement ce processus. Si ne serait-ce qu’un quart des collaborateurs préfère “être dans le calcul” plutôt que d’évaluer sincèrement, les résultats ne seront plus satisfaisants, et à l'extrême les évaluations n’auront plus aucun sens. Si cela arrive, je devrai me résoudre à arrêter l’expérience et repartir sur quelque chose de plus classique.
Mon postulat de départ est que la majorité des gens sont honnêtes et que les collaborateurs apprécieront un système, certes imparfait, mais qui valorise mieux le mérite de chacun que de diviser bêtement le montant des augmentations.

Feedback

L’outil seul n’est pas un outil de feedback, il n’a jamais été pensé pour ça. Mais je cherche à ne pas laisser les collaborateurs dans le doute. Ça n’est pas encore en place, mais je pense qu’il serait bénéfique de tenter d’expliquer les résultats à chaque personne. Par exemple, lors d’un entretien en tête à tête (1to1), planifier une discussion pour analyser les résultats.
Ce feedback tente de décoder de façon dépassionnée les notes. Que ces notes soient en accord ou en désaccord avec ce que pense l’autre collaborateur importe peu.
Ce feedback tente d’induire le changement et la découverte de soi.
Si tout va bien et que les notes sont satisfaisantes, il faut encourager, chercher à renforcer certains comportements ou une façon de faire. 😊
Si certaines évaluations sont injustifiées, il faut rassurer la personne. C’est possiblement un malheureux bug. 🙁
Si l’évaluation n’est pas bonne il faut essayer de comprendre ensemble, réfléchir à des actions correctives. L’objectif ensemble étant de tendre à améliorer, voir changer, un comportement ou une façon de faire. 🙂

Conclusion

Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions sur la validité du process d’augmentation du KaraFun Group. Je dois prendre plus de temps pour expliquer ce qui est attendu, mieux faire comprendre les règles. Tout faire pour aider chaque collaborateur à tendre vers de justes évaluations. Et il faut continuer à rester vigilant sur la qualité des résultats, les biais possibles et systématiser les feedbacks. J’ai la chance de travailler avec de formidables talents et j’en profite ici pour les remercier de faire partie de cette expérience.

Fonctionnement détaillé de notre peer review

Merci d’avoir lu cet article jusqu'ici, j’espère qu’il sera une source d’inspiration pour vous. Comme promis, ci-dessous voici en détail ce que chaque collaborateur doit évaluer. Il décrit la grille d’évaluation en juillet 2019, mais comme nous avons l’habitude de mettre régulièrement à jour nos process, rien n’est gravé dans le marbre. Je dois vous avertir que je pense qu’il n’est pas transposable ni facilement, ni universellement, chaque société ayant ses propres valeurs et sa propre culture.

Première partie : les étoiles

Il faut évaluer 3 critères en mettant une note entre 1 et 5, un peu comme sur tripadvisor.

Technique (Compétences)

Est-ce qu’il fait correctement son travail ?
Est-ce que c’est un “master”, a-t-il développé un domaine d'excellence ?
Est-ce que sa valeur ajoutée est importante ?

Humain (Esprit d’équipe)

Quelle est sa contribution à la vie du collectif ?
Est-il solidaire et bienveillant vis à vis des autres ?
A-t-il la capacité de tenir compte des autres et de leur avis ?
A-t-il la capacité à remplacer quelqu'un au besoin ?
Quelle est sa contribution à l'esprit d'équipe ?
Est-ce qu’il communique correctement ?

Politique (Projet de société)

Quelle est sa contribution à la vision : “Donner de la joie à travers la musique”, aux valeurs : bon sens/pragmatisme (priorité à l'action), joie/enthousiasme, musique, vision long terme, humanisme (croire en l'homme, confiance), respect de la terre et de ses habitants, résistance au cynisme et au formatage de notre société (idées reçues, préjugés...).
Est-ce qu’il accepte le changement et est-il un facilitateur de ce changement ?
Est-il un acteur de la culture d'entreprise ?

Seconde partie : test de la disparition

Il faut évaluer ce critère suivant entre 1 et 5.

1) Gérable 2) Assez difficile 3) Difficile 4) Très difficile 5) Mortel

Imaginez que votre collègue parte trois ans autour du monde, ou encore qu’il quitte la société pour aller chez IBM ou dans une startup. Il faudra éventuellement organiser un recrutement et participer à la formation de la nouvelle personne. Imaginez l'effort et la chance qu'il faudra pour le remplacer...
Pensez à ses différentes aptitudes, l'adéquation de ses qualités avec le poste qu'il occupe et aux bénéfices que notre groupe en retire.

Troisième partie : rémunération

Il faut indiquer la rémunération qu’on pense juste pour le collègue. Par rapport à ma propre rémunération, au marché et aux contributions de mon collègue, je tente de donner une estimation de sa rémunération (brut annuel y compris avantages).
Chacun fait au mieux, on peut se tromper bien sûr...
...Mais le marché du travail est souvent assez clair sur la rémunération d’un métier particulier. Ce que je dis souvent, c’est que ça n’est pas moi qui fixe votre salaire de base, mais le marché. Suivant le métier, cela peut être difficile à accepter, mais c’est comme ça.

Auteur

Jean-Baptiste

Executive Chairman & coder